Les titulaires sont à Nguekokh et les remplaçants des remplaçants sombrent dans le flafla de Montpellier

A plusieurs reprises, les camarades présents au Festival international panafricain de Nguekokh m’ont dit que j’aurais pu être en train de débattre dans la salle de la honte à Montpellier et que j’ai choisi d’être avec eux, dans la chaleur à 70 kilomètres de Dakar. Cela était pour eux une marque d’estime et d’encouragement et je les en remercie. J’ai choisi d’être au bon endroit par rapport à mes convictions.

A vrai dire, sans même prendre la peine d’écouter leurs prises de parole, les jeunes africains (diaspora et société civile) ont été invités à Montpellier pour critiquer la France dans le cadre d’un jeu de rôle voulu par Macron qui aime la confrontation avec les personnes choisies pour une certaine faiblesse ou naïveté idéologique mais qui fuit face à ceux qui veulent réellement en découdre comme lorsqu’il a fui par la porte arrière le jour où des gilets jaunes sont venus le chercher au théâtre.

Le plafond des critiques faites à Montpellier est donc le plancher des critiques réelles portées depuis soixante ans au système néocolonial et il faut ne s’être jamais intéressé au fond du problème pour voir en Montpellier le cadre de nouvelles relations entre l’Afrique et la France.

Une chose est sûre, on ne peut pas supporter la « jeunesse africaine » qui se voit offrir quelques miettes sur un plateau doré sans éprouver à la fois une profonde indifférence face à une rencontre qui ne va rien changer quant aux enjeux réels, et un sentiment de honte et d’humiliation car il n’y a pour moi AUCUNE différence entre une jeunesse ou société civile invitée pour légitimer une nouvelle politique africaine de la France par des discours et des promesses sur fond de racisme latent, et des dirigeants africains au service de l’impérialisme français.

Aucune différence, et c’est ce qui explique le mépris d’une grande partie de l’opinion publique africaine à l’égard des jeunes partis en France. Et je suis prêt à parier qu’aucun média d’Afrique anglophone n’a été informé de l’existence d’un sommet AFRIQUE-FRANCE à Montpellier.

Le plus drôle étant que c’est au moment où quelques dirigeants africains contestent publiquement la politique française que l’on décide que les sommets n’inviteront plus les dirigeants mais les sociétés civiles parfois plus corrompues que les élites car achetables à moindre coût : un fonds d’innovation pour la démocratie doté de 30 millions d’euros sur trois ans ! Avec cette somme, vous n’achetez même pas une élection présidentielle dans le tarif minimum de la fraude électorale mais vous achetez la société civile africaine !

J’ai vu plusieurs jeunes qui suivent pourtant nos analyses s’engouffrer dans le projet de Macron qui avait déjà été élu en 2017 avec une forte dynamique afrodiasporique. Je ne considère pas ces personnes comme des traitres car ce sont des adultes qui font leur choix de carrière et qui, pour certains, auront des regrets quand ils auront 40, 50 ou 60 ans et qu’ils verront les limites de l’opportunisme ou de l’ingratitude qui est aussi réelle dans l’autre camp. La reconnaissance ne vient ni d’un côté ni de l’autre mais elle vient de la cohérence que l’on se donne.

Je connais, sans leur être intime, plusieurs personnes mises en vedette durant le sommet, y compris Achille Mbembe qui fait évidemment partie de l’espace intellectuel propre aux mondes africains. Il est dommage d’avoir autant développé, notamment depuis Dakar, des concepts et la pensée autour d’une Afrique-Monde porteuse d’émancipations et de rupture épistémologique pour finalement finir par s’encastrer dans un rapport Afrique-France dont la circonférence est bien celle d’une prison mentale.

Je connais des personnes approchées pour participer à la mascarade de Montpellier et qui ont refusé. Il est donc possible de refuser. Ceux qui étaient à Montpellier ne sont que des cinquième roues du carrosse, des remplaçants des remplaçants. Les titulaires qui ont réellement un projet et une vision d’émancipation pour l’Afrique se trouvent à Nguekokh et dans tous les lieux où le panafricanisme s’organise. Là où les fourmis ne font pas de bruit.

One Comment

  1. Amidou Sidibé

    Nguekhokh devient à coup sûr un lieu incontournable pour le panafricanisme !!!

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