La colonialité, comme une rediffusion du discours négatif sur l’Afrique au reste des colonies

Si la question de l’indépendance se pose toujours ici ou là, c’est qu’elle n’est pas résolue. Pas celle des « indépendances » africaines qui suscitent les mêmes débats stériles chaque année dans la première quinzaine du mois d’août (il n’y a pas eu d’indépendance, etcaetera) mais celles de nos dites nations Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, et dans un autre genre, Mayotte, Kanaky, Polynésie…
 
Car dire que ces territoires sont des colonies est même d’une banalité, tant il est évident pour certains d’entre eux qu’une majorité relative de la population est d’origine africaine. Tant il est évident que ces territoires qui reçoivent aujourd’hui un discours déjà bien expérimenté par l’Afrique, traversent depuis trop longtemps une situation qui n’est pas sans rappeler celle du continent originel.
 
Une situation de dépérissement à base de politiques et surtout de méthodes qui sont presque la copie conforme des injonctions ultralibérales de la Banque mondiale et du FMI : construire l’inévitabilité de la catastrophe. Et donc obliger les peuples à se réinventer si possible en les conduisant par tous les moyens dans une prophétie auto-réalisatrice.
 
Or, le type d’éducation sciemment construit pour évincer toute réflexion sérieuse sur l’Afrique (et le panafricanisme comme solution évidente pour sortir de la colonialité) fait que les générations issues de ces territoires ont toujours été perçues (ou ont été amenées à se percevoir) dans le schéma impérial français comme des minorités intermédiaires – principalement subalternes depuis l’Hexagone, potentiellement hégémoniques depuis l’Afrique – et donc des variables d’ajustement auxquelles « on fait croire que ». Il me semble que pour les Nord-Africains, on dirait « zarma ».
 
En aidant parfois une partie des colonisés à nourrir à leur insu un argument comparatif servant les politiques hexagonalocentrées fondées sur l’idée qu’il y a des gens « sérieux » et des gens « pas sérieux », en y ajoutant encore et encore une dose d’humiliation et de racisme dans le traitement médiatique de la situation coloniale, il en ressort une absence totale d’autocritique mais aussi de projet.
 
Ce qui n’a pas été réussi par nos ancêtres doit l’être pour nos descendants. Aimé Césaire disait que le premier drame de la colonisation est le drame de la confiance trahie. Il n’y a donc pas besoin d’aller chercher dans le rhum ou le vaudou pour comprendre comment l’actualité rendue tragique – mais pourtant bien prévisible au vu des politiques imposées depuis fort longtemps – est l’illustration parfaite de ce drame.
 
Colonialité, quand l’intervention venue d’ailleurs infériorise la vie et les décisions de peuples qui n’ont rien demandé d’autre que les moyens de se gérer par eux-mêmes et pour eux-mêmes, c’est-à-dire pouvoir simplement se représenter. Colonialité, quand la réponse à un problème public ne se trouve pas dans le dialogue mais dans l’identification paternaliste de l’autre comme étant une anomalie ou une déviation à corriger.
Autant on ne peut combattre un système que par un autre système, une science par une autre science, autant la mort est et restera toujours une leçon à méditer pour les vivants. Il faut prendre soin de nous et de nos luttes le temps de renaître.
 
Don’t Agonize, Organize.

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